si vous préférez,
|
Article du Frère Adam, O. S. B., (1898 - 1996) © photo Erik Österlund Abbaye St. Mary, Buckfast, Sud Devon, Angleterre. Traduction et adaptation française par Georges Ledent, Bruxelles, Belgique. |
|
Extrait de La Belgique Apicole, 16(3), 1952, p 37-44 L’article original : Das Zusetzen von Königinnen, en allemand dans Schweiz. Bienenztg. 73 1950 (6):267-273, & (7):314-316 Avec leur permission. |
L’auteur, dont le nom est favorablement connu des apiculteurs belges, a présenté au Congrès international de Leamington-Spa, un rapport très intéressant sur l’introduction des reines, rapport que nous avions promis de reproduire dans notre revue. Il nous a semblé que nos lecteurs apprécieraient encore davantage l’article, sur le même sujet, publié par le Frère Adam dans “Schweizerischen Bienenzeitung”, dont nous devons la parfaite traduction à notre excellent et dévoué collaborateur, Georges Ledent.
Achille Lecocq, rédacteur de la B.A.
L’introduction des reines est certainement l’un des problèmes essentiels de l’apiculture. A part le temps, sur lequel nous n’avons pas de prise, la reine est la quintessence du succès et de la productivité d’une colonie. L’adjonction d’une reine jeune et vigoureuse nous permet de renouveler le ressort vital de la population, de la rajeunir et de la maintenir constamment au faîte de sa capacité. Bien plus, nous disposons là d’un moyen de parer à la plupart des troubles et des soucis dont l’apiculture est affectée.
Malheureusement, l’introduction des reines, telle qu’elle a été pratiquée jusqu’ici, entraîne beaucoup de difficultés et d’échecs. De fait, chaque année, des milliers de précieuses reines sont perdues au moment où elles auraient entamé leur activité utile de pondeuses, par méconnaissance de la cause déterminant l’acceptation d’une nouvelle reine. Cette cause, simple et lumineuse cependant, échappait à la compréhension de l’apiculteur à la suite d’une fausse conception entourée de mystère. Des conclusions erronées ont été tirées des essais et des observations.
Les évaluations de professionnels de confiance donnent 50 % de pertes en reines à l’introduction. Ceci peut paraître exagéré à beaucoup de gens. Cependant, suivant nos propres expériences au cours des années passées, cette évaluation ne serait guère forcée si nous y rangions, outre les reines mises à mal lors de l’introduction, celles aussi qui, acceptées sans doute, sont endommagées de quelque manière. Cette perte indirecte, due à endommagement est souvent plus importante que celle résultant de la mise à mort immédiate des reines. Une colonie à reine défectueuse — le défaut n’a pas besoin d’être visible — est pratiquement sans valeur. Souvent de telles reines sont la cause d’échecs constants. Les colonies qui en sont affligées, se remèrent après quelques semaines ou quelques mois, souvent, à l’insu de l’éleveur, ou bien conservent la reine endommagée et n’atteignent jamais les effectifs, ni la productivité normaux.
C’est pourquoi nous considérons un procédé d’introduction correct, mettant la reine à l’abri de toute lésion ou endommagement quelconque, comme une des rares choses qui importent véritablement en apiculture. C’est la pierre angulaire de toute notre industrie apicole d’élevage à Buckfast. Nous estimons avoir atteint le double but que nous nous étions assigné : non seulement, arriver à ce que chaque reine soit acceptée, mais encore que chacune se mette immédiatement à l’uvre, dans sa nouvelle demeure, avec toutes ses forces et toute sa fécondité.
Toutes les méthodes antérieures d’introduction reposent sur la théorie qu’une reine étrangère doit, avant d’être acceptée, avoir acquis d’une façon ou de l’autre, l’odeur de la colonie où l’on va l’introduire. On présupposait que chaque colonie possédait une odeur propre et qu’une nouvelle reine devait, au préalable, être mise un certain temps encagée dans sa demeure adoptive pour prendre la nouvelle odeur. Il fallait tout d’abord la présenter aux abeilles pour qu’elle soit bien reçue. Et voilà que se pose la question : existe-t-il des preuves que chaque colonie a une odeur propre ?
Des travaux récents de savants compétents confirment notre opinion suivant laquelle l’odeur individuelle d’une colonie n’existe pas. La démonstration scientifique de l’existence d’une telle odeur caractéristique et distinctive pour chaque colonie, permettant aux abeilles de différencier leurs compagnes des abeilles étrangères, est encore à faire. L’expression « odeur de la colonie » est liée à l’idée que les abeilles répandent des effluves conférant à chacun des membres de la colonie une odeur uniforme et caractéristique, variant d’une colonie à l’autre. Comme déjà dit, toute preuve concluante de pareille supposition fait défaut.
Il y a bien une odeur de ruche — arôme combiné de rayons, surtout les vieux, et de propolis, miel, pollen, couvain, etc. Il est hors de doute que le genre et l’intensité de cette odeur de ruche varient suivant la saison, la température, la miellée, etc. Mais ces variations de colonie à colonie ne peuvent guère servir de signe de reconnaissance lorsqu’il s’agit de colonies d’un même rucher qui sont tributaires de conditions extérieures semblables et pour cette raison n’accuseront pas de grandes différences non plus à l’intérieur de la ruche. Effectivement, nous allons maintenant démontrer que ce n’est pas par l’odeur de la ruche que les abeilles se reconnaissent.
Que la reine possède une odeur particulière, à laquelle les abeilles la reconnaissent, ne fait pas de doute. Mais que chaque reine ait une odeur différente et puisse en donner communication aux abeilles paraît invraisemblable sous l’angle expérimental.
De même, l’odeur répandue par la glande à parfum située au bout de l’abdomen des ouvrières, ne semble pas être un signe de reconnaissance pour chaque colonie. Le but de ce parfum est d’attirer vers un point donné les abeilles d’une colonie ou d’un essaim. Mais ce parfum n’est pas, de toute évidence différent de colonie à colonie, sans quoi le désarroi souvent observé lorsque plusieurs essaims sortent en même temps et puis rentrent, ne pourrait se produire. La puissance attractive de ce parfum doit être considérable, car nous savons que les abeilles peuvent être entraînées par lui à se joindre à un essaim étranger ou à rentrer dans une ruche étrangère où elles sont souvent mises à mort.
Nous avons distingué « odeur de ruche » et « odeur de colonie ». Les observations suivantes montrent qu’il y a lieu de bien les séparer. L’opinion très répandue que toute odeur forte couvre l’« odeur de la colonie », repose visiblement sur une erreur. Le salicylate de méthyle, par exemple a une odeur très pénétrante et pourtant quand on l’utilise on n’a jamais constaté de pillage. Bien utilisée, cette substance n’a effectivement, semble-t-il, pas d’action visible sur les abeilles. Par contre, la liqueur de Frow provoque, plus que tout autre produit, le pillage et c’est son gros inconvénient. La créosote engendre également le pillage. Cependant, à notre avis, ce n’est pas l’odeur de la liqueur de Frow ou de la créosote qui cause le pillage et nous pensons, par contre, que les vapeurs en question provoquent une sorte d’engourdissement des abeilles et leur font perdre l’instinct naturel de défense de leurs provisions. Pourquoi donc l’Izal et l’acide carbonique ont-ils un effet opposé, consistant à tenir à distance les pillardes ? Si toute odeur forte devait, par elle-même, couvrir l’odeur de la ruche, tous ces produits devraient avoir le même effet. Ceci n’étant pas le cas, il faut bien admettre que ce n’est pas l’odeur qui joue le rôle principal et, par suite, que ce n’est pas non plus l’odeur de la ruche qui est le signe auquel les abeilles se reconnaissent entre elles.
Jusqu’ici, nous n’avons pu trouver de preuve de l’existence d’une odeur de colonie individuelle et toutes nos observations et expériences — en particulier dans le domaine de l’introduction des reines — démontrent que « l’odeur de la colonie » est du domaine de la fable. Il n’y a là que l’interprétation commode et en apparence plausible de phénomènes et de réactions dans le peuple des abeilles, qu’on ne peut encore éclaircir de façon satisfaisante.
En réalité, nous ne savons pas encore à quoi les abeilles se reconnaissent entre elles. Nous connaissons toute une série de cas où, après introduction d’une reine, les batailles les plus violentes se déchaînèrent parmi les abeilles de la ruche ayant reçu la reine, bien que notre méthode d’introduction reposât, alors, sur l’idée que la reine devait au préalable acquérir l’odeur de la ruche. Ces bagarres duraient souvent jusqu’à ce que ne subsiste qu’une poignée d’abeilles avec la reine. La cause n’en était cependant pas une « odeur de la colonie » !
Notre expérience nous amène à conclure que l’« odeur de la colonie » — si même il en existait véritablement une — ne jouerait en aucune manière le moindre rôle lors de l’introduction d’une reine. Dans tous les cas — quelle que soit la méthode d’introduction — c’est le comportement de la reine qui est le facteur déterminant son acceptation ou son rejet. Ce comportement lui-même dépend de la condition de la reine, au moment de sa libération. Ainsi, nous sommes, par exemple, convaincus que si une reine est emballée ou piquée, son propre comportement en est cause. Une reine fraîchement fécondée ou vierge sera effarouchée par l’ouverture de la ruche — même si c’est dans cette ruche qu’elle est éclose — et elle sera alors souvent emballée ou tuée. Une reine effrayée de la sorte court parmi les rayons, ce qui sème l’agitation parmi les habitants et elle se fait attaquer. Ceci n’est pas seulement le cas quand une ruche est ouverte : tout dérangement, toute excitation quelconques peuvent avoir les mêmes effets. La perte de reines vierges peut parfois résulter de ce qu’un oiseau les a happées ou qu’elles se trompent de ruche au retour. Néanmoins, nous croyons que, en bonne partie, ces pertes sont dues à une excitation à l’intérieur même de la ruche, excitation provoquant l’attitude hostile des abeilles. Ici aussi l’absence d’une odeur de la colonie ne peut être rendue responsable, car la reine vierge appartient bien à la même colonie : son comportement et sa condition sont les facteurs décisifs. Ce que nous entendons par là, nous allons le préciser.
Si une jeune reine, en état de ponte depuis quelques semaines, mise en cage, est, le jour même, libérée dans une autre colonie, elle sera acceptée avec certitude. Ne la libère-t-on que le second jour, elle sera probablement attaquée et emballée. L’explication en est, que le second jour, elle ne sera plus aussi prête à pondre que le premier. Plus l’emprisonnement se prolonge, plus la probabilité d’acceptation diminue, à moins que les abeilles ne la nourrissent à travers les mailles de sa cage, si bien qu’elle se met à pondre normalement sitôt libérée. Non nourrie et libérée quand même, elle sera tuée ou emballée ou simplement endommagée de quelque manière, parce qu’elle n’était pas en état de ponte et ne s’était pas encore remise, donc, de son incarcération.
Pour cette raison, une reine reçue par la poste doit toujours au préalable être introduite dans un nucleus formé au moins trois jours avant son arrivée. Ce temps permet aux vieilles abeilles de regagner leur ruche; les jeunes abeilles, seules restantes, nourriront immédiatement la reine étrangère, la ramèneront à son état naturel et ainsi l’acceptation sera certaine. Après quelques semaines de ponte dans le nucleus, la reine pourra être affectée à sa colonie définitive.
L’emprisonnement prolongé recommandé jusqu’ici a donc l’effet opposé à celui qu’on en attend. Il rend l’acceptation plus incertaine, problématique. Quand, après l’emprisonnement prolongé dans une cage d’introduction — quel qu’en soit le système — une reine est quand même acceptée, ce n’est pas parce qu’elle a pris l’odeur commune, mais, comme déjà dit, parce qu’à sa libération, elle se trouve dans la condition corporelle convenable et se sera bien comportée. Ceci vaut pour toutes les méthodes d’introduction dites « directes ».
Quand nous affirmons que le comportement de la reine est le facteur principal lors de l’introduction — quelle que soit la méthode adoptée — nous n’en convenons pas moins que l’état et le comportement de la population recevant la nouvelle reine influent sur l’acceptation ou le rejet. Mais l’apiculteur le plus capable et le plus expérimenté lui-même, ne peut jamais infailliblement déterminer et prévoir le moment favorable, physiologiquement, où une colonie est en condition d’accepter une reine. Jamais nous ne pouvons suffisamment avoir une vue de toutes les circonstances, influences, conditions et réactions qui importent ici. Ce qui fait, que même l’apiculteur le plus prudent et pesant tout, est bien souvent contraint de s’en remettre au hasard. Et combien fréquents sont les échecs. Cependant, l’état de la population et l’humeur des abeilles n’exercent d’influence que lorsque des reines sont introduites avant d’avoir atteint leur pleine maturité. En d’autres termes, une reine sera acceptée avec certitude, tout à fait indépendamment des caprices des abeilles de la colonie si, avant l’introduction, elle a atteint un certain âge, si elle est en pleine ponte.
Qu’entendre par « pleine maturité » ? Une reine fraîchement fécondée, ayant commencé à pondre, est nerveuse et s’effraie facilement. Le moindre dérangement, toute ouverture de la ruche par l’apiculteur peuvent mettre sa vie en danger. En peu de semaines, cependant, son attitude se modifie fondamentalement. Ses mouvements sont plus posés, ses réactions sont plus paisibles, elle continue tranquille et détendue à vaquer à ses occupations quand on ouvre la ruche et retire les rayons. Lorsqu’elle a pondu durant environ quatre semaines, elle est en « pleine maturité ». Sans doute, n’est-ce que l’année suivante qu’elle atteindra sa productivité maximum mais, dans son allure, ne se marqueront plus de changements, sauf que ses mouvements deviennent plus lents avec l’âge.
Le terme que nous avons indiqué pour l’obtention de la pleine maturité — quatre semaines — peut être un peu trop court pour quelques reines. Par contre, il existe des reines à nervosité congénitale — en particulier des bâtardes, mais aussi certaines reines de provenance française et anglaise — pour lesquelles le terme devra être fixé un peu plus long. Cependant, suivant notre expérience, un temps de deux mois suffit, même pour les cas les plus extrêmes.
Un autre point important est encore à relever en l’occurrence : les reines fraîchement fécondées que l’on encage trop tôt, avant la pleine maturité, sont fortement abîmées. L’éleveur commercial cherche à tirer parti de ses reines fraîchement fécondées, aussi vite que possible, soit quelques jours après le début de la ponte. Indépendamment du gros déchet qui en résultera lors de l’introduction, retenons que les reines récemment fécondées, lorsqu’elles sont encagées avant pleine maturité, sont extrêmement délicates. Des reines de l’espèce sont la plupart du temps handicapées de façon permanente dans leur rendement. Nous sommes convaincus que le rendement déficient de mainte jeune reine de prix est attribuable à cette cause.
Contrairement à une opinion souvent entendue, nous croyons qu’une reine n’atteint pas le sommet de son rendement l’année de sa naissance, mais seulement l’année suivante. De même, une reine fraîchement fécondée, introduite au début de l’été dans une population puissante à fort rendement, ne donnera jamais autant les années suivantes, qu’une reine qui aura été retenue dans une colonie de réserve jusqu’à l’automne ou au printemps suivant. La théorie suivant laquelle une jeune reine est nécessaire à l’automne en vue d’un bon hivernage ou pour bien tirer parti de la bruyère, est erronée. Suivant notre expérience, ce sont des reines à leur deuxième année qui donnent le plus grand nombre d’abeilles pour la bruyère et le plus grand nombre d’abeilles jeunes pour l’hivernage.
C’est alors qu’elles sont au faîte de leur forme. C’est pourquoi le remérage en juillet ou août est une grosse faute — sauf, bien sûr, dans les cas où la vieille reine est défectueuse.
En règle générale, nous n’introduisons jamais une jeune reine dans une colonie si ce n’est dans les années où, tard dans l’automne, nous avons un grand surplus de jeunes reines. Nous le faisons alors la première semaine d’octobre. Mais nous préférons laisser la jeune reine en colonie de réserve et ne l’introduire qu’à la fin mars, soit dès que la température printanière permet de procéder à son introduction. Nous hivernons habituellement 400 colonies de réserve, en chiffres ronds. Nous n’utilisons pas toutes ces reines pour les introductions de printemps. Les autres sont gardées en réserve, pour le cas où la reine ne donnerait pas satisfaction, durant la saison, dans l’une ou l’autre colonie de production.
Nous remérons donc généralement au printemps, parfois, occasionnellement aussi, en fin d’automne et aussi en tout autre temps de la saison apicole lorsque cela nous parait nécessaire et quand cela nous convient. Nous sommes tellement certains de la réussite, que point n’est besoin d’aller voir si la reine a été acceptée ou non. Si, d’ailleurs elle devait ne pas l’avoir été, nous le remarquerions bien vite, chaque reine étant clippée avant introduction.
L’apiculteur praticien — nous nous y attendons — va faire toutes sortes d’objections à ce plan suivant lequel les jeunes reines ne sont introduites qu’à l’automne, voire au printemps suivant. Nous n’en croyons pas moins que la façon de remérer que nous recommandons présente de tels avantages qu’elle supplantera bientôt toutes les autres méthodes. Ses désavantages éventuels s’effacent si nous considérons que :
Nous avons étudié successivement et à fond les méthodes d’introduction connues et croyons, en conséquence, connaître les avantages et défauts de chacune d’elles. Nous avons fait nos écoles. Toutes les autres méthodes nous paraissent comporter une dose plus ou moins grande d’incertitude. Dans une chose aussi fondamentalement importante que le remérage, tout apiculteur praticien va pourtant s’efforcer, autant que possible, de ne rien laisser au hasard. Quant à nous, nous ne voudrions jamais revenir à un des procédés antérieurs, pas plus que nous ne désirerions de nouveau faire de l’apiculture en paniers.
Nous savons que peuvent survenir des circonstances rendant nécessaire l’introduction de reines fraîchement fécondées, n’ayant pas atteint leur pleine maturité. Des apiculteurs n’élevant pas eux-mêmes leurs reines, mais les recevant par la poste, devront aussi avoir recours à un autre procédé de remérage et d’introduction que celui décrit ci-dessus. Occupons-nous donc également un peu de leur cas.
S’il est besoin d’introduire une reine non en pleine maturité dans une colonie de production nantie ou non d’une reine, nous recommandons toujours l’introduction par l’intermédiaire d’un nucleus. En fait, avant 1937, nous remérions depuis des années de cette manière, en juin ou juillet. Le procédé n’est pas infaillible, mais le pourcentage des reines acceptées est plus élevé qu’avec les autres méthodes d’introduction, usuelles jusqu’ici. En outre, il n’y a pas besoin d’encager la reine. Elle n’est donc pas exposée aux dangers que comporte toute incarcération. Nous avons encore régulièrement recours à ce procédé, lorsque notre stock de reines d’un an est épuisé.
La jeune reine, non en pleine maturité, sera donc, comme dit ci-dessus, d’abord introduite dans un nucleus formé au moins trois jours plus tôt. Elle devrait y pondre au minimum une semaine. L’introduction dans la ruche définitive a lieu ensuite de la façon suivante : le nucleus pourvu de la jeune reine est ouvert et les abeilles exposées à la lumière. La vieille reine à enlever de la colonie est cherchée et supprimée. On enlève alors à cette colonie trois rayons de couvain et, à leur place — en dérangeant le moins possible — sont glissés les trois rayons du nucleus avec reine et abeilles. La colonie est encore laissée ouverte et exposée à la lumière pendant 5 à 10 minutes, puis on remonte et ferme la ruche. Si nécessaire, on peut déjà le lendemain, s’assurer si la reine est acceptée. Mais il vaut mieux, par prudence, attendre quelques jours.
Les rayons de couvain avec leurs abeilles que nous avons retirés de la colonie à remérer sont placés dans le nucleus; après trois jours, nous y ajouterons une cellule royale, ou si nous n’avons plus besoin du nucleus, nous renforçons une colonie faible de ses rayons et de ses abeilles.
Le débutant craint peut-être une bataille, lorsque des abeilles de deux colonies non orphelines sont ainsi réunies sans aucune précaution. Il est pourtant établi que des abeilles qui ont été, durant 5 minutes environ, exposées à la lumière, s’accordent en paix sans prendre aucune autre mesure. Ici aussi, l’odeur de la colonie ne joue non plus aucun rôle; ici aussi, la réussite tient, à notre avis, au comportement — en l’occurrence le comportement des abeilles. La lumière du jour, comme tout bon observateur au rucher le sait, a une action calmante sur les abeilles. Nous n’employons jamais aucune autre mesure de prudence lorsque nous donnons des abeilles étrangères à une colonie ayant sa reine.
Nous avons recours à cette méthode de remérage par l’intermédiaire d’un nucleus, également comme moyen de prévenir l’essaimage.
Le lecteur attentif a remarqué que, contrairement aux recommandations habituelles, nous n’intercalons pas une période d’orphelinage avant d’introduire la nouvelle reine. La vieille reine est enlevée et la jeune immédiatement introduite — le cas échéant par l’intermédiaire d’un nucleus. Notre expérience nous a appris que :
Une reine en pleine maturité sera acceptée avec certitude dans une colonie orpheline, peu importe que l’orphelinage ait duré quelques jours ou quelques semaines. Mais, comme dit plus haut, aucune cellule royale ni aucune reine vierge qui pourraient se trouver dans la colonie orpheline, ne doivent avoir été omises. Le meilleur moyen de s’assurer de la présence ou de l’absence d’une reine, consiste, comme on sait, à glisser dans la ruche un rayon de jeune couvain. S’il n’y est pas érigé de cellules royales, c’est qu’une reine vierge est présente.
Nous nous sommes efforcés de montrer :
Notre affirmation suivant laquelle la reine est le facteur fondamental et unique qui décide de l’acceptation, s’appuie sur les faits suivants :
Nous avons conscience que nous avons établi quelque chose qui va à l’encontre de toutes les théories et de tous les conseils de nos traités. Mais nous nous appuyons sur notre expérience et sur les faits que nous avons observés. Il est superflu de nous excuser, pensons-nous, d’accorder tant d’importance à cette question si primordiale de l’introduction des reines. Une méthode d’introduction sûre, qui garantit que toute reine, non seulement sera acceptée, mais encore le sera sans être endommagée aucunement, constitue l’un des fondements majeurs de l’apiculture. Tous les experts éprouvés sont d’accord sur ce que le haut pourcentage de jeunes reines qui, bon an mal an, se perdent misérablement au seuil de leur utile carrière, constitue une des lacunes les plus profondes et regrettables de l’apiculture moderne. Une méthode infaillible d’introduction, ainsi qu’un stock de reines suffisant pour parer à tous les aléas, ces deux points sont la clef de la réussite en apiculture.
Extrait de La Belgique Apicole, 16(3), 1952, p 37-44 L’article original : Das Zusetzen von Königinnen, en allemand dans Schweiz. Bienenztg. 73 1950 (6):267-273, & (7):314-316 Avec leur permission. |
Frère Adam, O. S. B., Abbaye St. Mary, Buckfast, Sud Devon, Angleterre. Traduction et adaptation française par Georges Ledent, Bruxelles, Belgique. |