Extrait de La Belgique Apicole, 30(3), 1966, p46-48 avec leur permission |
par E. Herold Adaptation française Britanicus, Bruxelles (Belgique) |
En septembre dernier, le Frère Adam, lors d’une de ses apparitions dans cette Allemagne dont il est originaire, a fait à Biberach un exposé de la méthode qu’il applique à la conduite de ses abeilles à Dartmoor. Ce n’est certes pas une région privilégiée : il y pleut abominablement. Comme sources de nectar, la bruyère et le coucou blanc (Trifolium repens). Et cependant, les rendements obtenus surprennent, sauf lors des années où il n’y a qu’à se déclarer vaincu par les éléments.
Avant d’en venir à résumer l’exposé du Frère Adam que nous trouvons sous la plume d’E. Herold dans le numéro de janvier de l’ « Imkerfreund » bavarois, nous voudrions rappeler que les relations entre le Frère Adam et les apiculteurs allemands n’ont pas manqué d’un certain sel dans le passé. Un beau jour, à Hanovre, le Frère Adam, enfant terrible, ne déclara-t-il pas à peu près qu’il se demandait comment, en Allemagne, avec tout le matériel, tous les ingrédients et tous les instruments et outils sur le marché il était encore possible de tenir des abeilles.
En revanche, c’est en Allemagne que, après que des reines offertes par le Frère Adam eussent été introduites dans des colonies infectées au dernier degré, on nia qu’il eût, comme il l’affirmait, développé des abeilles résistant aux maladies. Ce n’était cependant pas la même chose.
Cette fois, tout se déroula dans une atmosphère bien plus sereine, à cela près que, selon Herold, la méthode du Frère Adam et son matériel ne conviendraient pas là où une miellée printanière précoce joue le rôle primordial.
A l’origine, avant 1923, Frère Adam utilisait des ruches à petits cadres anglais de dimensions assez voisines de ce que les Allemands appellent dimension « normale » (37 × 22,3 cm). Progressivement, il passa au cadre Dadant Blatt modifié, qu’il généralisa, dès 1930, pour ne plus l’abandonner.
Les ruchers comportent des groupes de quatre colonies, chacune ouvrant dans une direction différente, ceci réduisant au minimum excitation, pillage, dérive et maladies. Quant aux ruchers eux-mêmes, ils ont été ramenés de 100 à un maximum de 40 colonies au même endroit : les 320 colonies occupent neuf emplacements différents.
Le principe de base de la conduite, tout au long de la saison s’énonce : aussi simple que possible et pas plus de travail aux populations que l’absolument nécessaire. En fait, en dehors de soins convenables et raisonnables, l’apiculteur ne peut guère influencer la prospérité et le rendement de ses abeilles. Le pauvre apiculteur est à l’occasion la victime de doctrines et d’enseignements prônés bien que sans valeur, voire faux. L’amateur peut s’amuser à faire toutes sortes de choses risquées qui parfois réussissent-elles réussiraient plus souvent si nous pouvions seulement prévoir le temps ! Mais le professionnel ne peut se payer aucune fantaisie, tout en ne laissant rien passer de ce qui peut promouvoir son entreprise. Sa pratique des abeilles, au cours des ans, lui aura appris sur elles bien des choses qui échapperont au scientifique aussi bien qu’à la plupart des apiculteurs.
Du début octobre au premier mars, paix aux abeilles. A ce moment les soubassements des ruches sont remplacés par d’autres, propres, en faisant un roulement au moyen de 40 soubassements de réserve. Les cadres non occupés sont retirés.
A partir de fin mars, il est procédé à une égalisation des populations que le Frère Adam considère de première importance car elle permettra d’automatiser toutes les opérations ultérieures. Il considère aussi que l’égalisation augmente le potentiel global de rendement à la grande miellée. Les rayons de couvain prélevés avec leurs abeilles renforceront des colonies des autres emplacements. Ainsi leurs abeilles ne retournent pas à leur ruche d’origine.
En fait d’introduction de reines, nous pouvons faire confiance aux 35 années d’expérience du Frère Adam. Alors, écoutons-le : les jeunes reines récemment fécondées sont toujours en danger. Elles manquent de maturité, sont nerveuses et prennent vite peur. Il faut qu’elles aient été au moins quatre semaines en ponte. Pour les bâtardes nerveuses de naissance, deux mois seraient mieux. L’odeur de la reine ne joue pas de rôle, mais bien son comportement seul. L’utilisation au prochain printemps est encore préférable car alors aussi la productivité entière est seulement atteinte. C’est d’ailleurs le moment le plus propice à toute introduction.
Chaque année, environ deux tiers des reines sont remplacées. La fécondation se fait dans des nucléi comportant quatre demi-cadres Dadant, lesquels hivernent tels quels. Les reines sont introduites sous cage, chacune en compagnie de quatre ouvrières et libérées au bout de quelques heures. La vieille reine passe dans le nucleus où elle restera jusqu’en mai, moment où l’on en disposera suivant circonstances. Frère Adam n’hésite pas à aller voir ce qui se passe dans une ruche au cours de la période d’introduction. Il considère cette introduction de reines éprouvées, dans leur deuxième année d’âge, comme la clef de ses succès.
Les colonies, tenues à l’étroit — 7 cadres ou même moins — sont portées progressivement dès mi-mars à 12 cadres, dont 3 cires gaufrées venant aux extrémités, l’intention étant de ne pas forcer à bâtir. Comme certaines populations bâtardes y érigeront trop de grandes cellules, chez elles seules les cires sont glissées au centre pour passer ensuite aux extrémités une fois bâties. Partout, les nouveaux cadres viennent au centre à fin juin ensuite. Pas de nourrissement stimulant … qui stimule la ponte de mâles et la fièvre d’essaimage. Si la disette force à nourrir et aussi longtemps que nécessaire, du sucre sera donné en sirop à 2 parties d’eau pour 3 de sucre et massivement : 5 à 6 litres. Le placement des hausses se fait vers mi-mai à la floraison du pommier, alors qu’il y a 9 cadres dans les corps de ruche. Plus tard, ce serait provoquer des essaims à fin mai. Quelques cadres de la hausse seulement sont bâtis. Une grille est employée depuis 1940, moment où Frère Adam réalisa que cela présentait plus d’avantages que d’inconvénients.
A fin juin commence la période d’essaimage, qui se poursuit jusque vers le 20 juillet. Son début coïncide avec la miellée du trèfle blanc. Si, à ce moment, on enlève la reine, après neuf jours supprime toutes les cellules royales et introduit alors une jeune reine fécondée, on retire un rendement maximum de la dite miellée car la colonie, dès la réapparition du couvain, travaille avec l’ardeur d’un essaim. En outre, cette manipulation écarte les maladies, loque maligne exceptée. Elle aura évité la prolifération de bouches inutiles et la colonie sera pourvue abondamment d’abeilles jeunes pour entrer en hivernage.
Seulement, Frère Adam a dû s’accommoder d’une solution de compromis là où il tablait sur une récolte tardive sur la bruyère, en août : faute de mieux, suppression des cellules royales tous les huit jours jusqu’à ce que la fièvre tombe ! Souvent (paraît-il, remarque du traducteur), il suffit d’une suppression. En cas de répétition, la colonie s’affaiblit et parfois devient orpheline.
Lorsqu’il recommande de donner une seconde hausse, Frère Adam la place par dessus. Sur la fin de la miellée, la ou les hausses pleines viennent au contraire coiffer celle qui ne l’est pas ce qui correspond à la tendance naturelle de stocker les provisions au plus près du nid à couvain en fin de miellée.
A partir du 5 septembre, environ, la bruyère peut encore fleurir, mais elle ne donne plus de nectar, Aussi, les chasse-abeilles sont-ils mis en place et 48 heures après, les hausses, pleines ou non, sont enlevées. Et c’est le retour au rucher.
Aussitôt, chaque colonie, quelque riche ou pauvre en provisions qu’elle soit, reçoit 6 litres de sirop. De cette façon, il n’y a presque pas de dysenterie. Les colonies hivernent sur 10 cadres après un dernier contrôle de la reine, et après le 1er octobre, plus aucune ruche n’est ouverte.
Cet exposé, fait par celui qu’on peut considérer comme le premier praticien du monde, ne pouvait manquer d’intéresser.
Extrait de La Belgique Apicole, 30(3), 1966, p46-48 avec leur permission |
par E. Herold Adaptation française Britanicus, Bruxelles (Belgique) |