publié en français
par le Syndicat National d'Apiculture, Paris, 1990. épuisé. |
par Jos Guth
Luxembourg |
La réussite en apiculture dépend essentiellement de la qualité et de l’âge des reines. En général, celles-ci sont plus productives au cours de la première année de leur vie et la tendance à l’essaimage est alors très réduite.
Dans notre rucher, les reines sont remplacées après deux saisons. Dans le cas où elles ne donnent pas satisfaction, on les remplace aussitôt. L’élevage doit être lié à la sélection de reines de valeur. Toutes nos reines sont marquées et leurs caractéristiques sont notées dans un carnet. Elles sont suivies durant toute l’année.
Dans un petit rucher, chaque intervention dans les ruches peut être notée, mais dans les ruchers importants, ceci devient trop long. Ainsi, on conseille de ne noter, pour chaque colonie, que les caractères positifs. On retient les critères suivants :
Chaque critère est noté d’une à quatre croix (ou de 1 à 5), selon sa qualité. L’ensemble des données notées sert à repérer les colonies intéressantes, celles qui vont servir à l’élevage des reines ou des mâles.
L’élevage des reines est uniquement pratiqué à partir de larves provenant de reines inséminées artificiellement et qui appartiennent à des lignées testées pour leurs performances. Pour ce contrôle, on élève quelques reines qui sont fécondées naturellement. Une reine donnée n’est utilisée pour l’élevage qu’après son premier hivernage et le contrôle de la production printanière de ses colonies filles ; ces dernières doivent donner satisfaction à plus de 75 %.
Un certain nombre de conditions doivent être remplies pour obtenir les meilleurs résultats. En effet, le patrimoine génétique ne peut s’exprimer pleinement si les conditions suivantes ne sont pas respectées :
Il n’y a pas de dégradation du matériel génétique, mais bien de la vitalité au cours de la vie de la reine. Il est également vain d’élever des reines à partir des œufs d’une reine mère en cours de remérage (supersédure) ; en effet ces élevages ne donneront pas satisfaction (voir aussi à ce sujet les textes du Frère Adam).
Dans nos régions, au cours de certaines années, les reines qui éclosent en juin sont de petite taille, mi-abeilles, mi-reines. Pourtant les cellules royales sont normalement soignées par les ouvrières, même dans les élevages avec des cellules royales plus nombreuses que d’ordinaire. Un surplus de gelée royale se trouve dans les cellules, phénomène auquel on n’a pas encore trouvé d’explication. Lors de discussions avec des apiculteurs de France et d’Allemagne, ceux-ci m’ont confirmé que ce phénomène existe aussi chez eux. L’explication en est certainement que lors d’un butinage intense du miellat, les ouvrières délaissent l’élevage pour se consacrer principalement à la récolte du miel. On sait, d’autre part, qu’au cours d’une année de miellée importante, les reines et les mâles produits sont en moyenne de moindre qualité qu’au cours des autres années.
Une méthode très pratique pour l’échange ou l’acquisition de matériel génétique de valeur est la remise d’œufs, de jeunes larves ou de cellules royales aux apiculteurs intéressés.
Il s’est avéré que ce sont les œufs âgés de deux jours (légèrement inclinés) qui supportent le mieux la manipulation. Lors d’un transport, nous avons dû garder les œufs pendant 26 heures sans la présence d’abeilles, avec pour résultat, le fait que pratiquement tous les œufs se sont développés en larves et ont donné une centaine de reines fécondées qui se trouvent en production sans qu’il y ait eu perte de qualité.
Fig. 1. Rayon découpé garni d'œufs de deux jours, dans son emballage (papier de ménage et serviette humide). Photo Jos Guth. |
Le morceau de rayon découpé qui contient les œufs doit être enveloppé dans du papier absorbant de ménage, ensuite dans une serviette humide, le tout étant recouvert d’une feuille de plastique afin d’éviter le dessèchement.
Pour le transport, on dépose l’ensemble dans une boîte en carton. De retour au rucher, les découpes avec les œufs sont insérées dans un cadre vide placé entre des cadres contenant uniquement du couvain operculé et ce, dans un nucléus orpheliné avec beaucoup de jeunes abeilles. A l’éclosion, les larves sont aussitôt nourries abondamment comme s’il s’agissait de larves destinées à devenir des reines dans une colonie se préparant à essaimer.
Pendant les deux jours suivants, les larves peuvent être utilisées pour l’élevage.
Pour le transport de courte durée (moins de 6 heures), les larves de 24 heures placées par picking dans des cupules en plastique ou en cire ne subissent pas de dégâts si on prend des dispositions pour éviter que la température ambiante n’excède pas celle du couvain, qui est de 34 à 35°C. Les larves ne craignent pas le froid, ni le dessèchement mais bien la famine, car à ce stade elles ont besoin de beaucoup de nourriture.
Fig. 2. Les cupules avec les larves de moins de 24 heures sont entreposées librement et protégées par du papier ou une serviette humide. Photo Jos Guth. |
Pour éviter les pertes, les cupules sont placées librement dans une boîte ou sur les barrettes du cadre d’élevage. Les larves ne peuvent pas se décoller des cupules. Le tout est enveloppé d’une serviette imprégnée d’eau froide. Lors du transport par voiture, un récipient isothermique est indiqué par temps extrêmement chaud.
Avant la réception des larves, le starter destiné à leur accueil doit être préalablement préparé. Une mauvaise acceptation des larves est due au transport du starter fermé contenant les larves.
Des cellules amorcées d’un jour, contenant donc des larves d’environ 40 heures, conviennent également au transport. Cependant, il faut prendre la précaution d’attacher les cellules l’ouverture vers le bas pour que les larves ne se noient pas dans la gelée royale, Ces cellules sont placées immédiatement dans une colonie finisseuse.
Il est bien plus simple de placer les cellules prêtes à éclore dans les colonies que de vouloir faire accepter des reines vierges. L’avantage d’une éclosion dans la colonie est que la jeune reine est prise immédiatement en charge par les ouvrières et peut s’épanouir dans des conditions optimales.
Fig. 3. Transport de cellules prêtes à éclore, dans des protèges cellules Nicot, insérés dans du polystyrène. Photo Jos Guth. |
L’introduction des cellules dans les colonies receveuses se fait du dixième au douzième jour, les nymphes royales ne pouvant alors plus être endommagées par les chocs. L’éclosion a lieu le douzième jour si on compte le jour du picking comme étant le jour zéro. L’introduction s’effectue aisément et l’acceptation est garantie si tout le couvain de la colonie receveuse est operculé. Par contre, il faut utiliser un protège-cellules si l’introduction est réalisée en présence de couvain ouvert. En effet, si les ouvrières ont le choix, elles préfèrent élever des reines à partir de leurs propres larves et détruisent alors les cellules royales introduites en les rongeant sur le côté. Le protège-cellule met les parties latérales des cellules royales à l’abri des mandibules des ouvrières. L’extrémité de la cellule qui dépasse le protège-cellule, grâce au renforcement dû au cocon élaboré par la nymphe royale, résiste parfaitement aux mandibules des ouvrières. Seule la jeune reine est capable de découper l’extrémité de la cellule royale.
La qualité des reines dépend des conditions de l’élevage et de la fécondation. Il faut :
L’élevage doit s’effectuer au cours de la période de l’essaimage, du 15 mai à la fin du mois de juillet. Sous certaines conditions et dans certaines régions, la période d’élevage peut être plus étendue.
Nous utilisons la méthode traditionnelle et rationnelle du transfert de larves âgées de moins de 24 heures dans des cupules en plastique à l’aide d’un picking.
Les résultats obtenus par différents chercheurs montrent que le nombre de tubes ovariens des reines diminue avec l’augmentation de l’âge auquel les larves sont transférées. À moins de 24 heures d’âge larvaire, il n’y a aucune différence entre les reines élevées artificiellement et celles issues d’un élevage naturel accompagnant l’essaimage.
Les colonies d’élevage, les starters et les finisseurs doivent être au point culminant, avec beaucoup d’abeilles mais surtout une grande abondance de nourrices. Les colonies doivent déborder de provisions. Les jeunes abeilles doivent être motivées pour un élevage par une miellée afin de produire une nourriture larvaire abondante. Au moment du picking, les larves doivent nager dans la bouillie alimentaire. Par temps de pénurie de nectar, la colonie doit être nourrie avec du miel mélangé à 20 % d’eau.
Les meilleurs résultats sont obtenus avec un starter au trou d’envol ouvert. La hausse à miel, sans couvain, est placée sur le plancher de la ruche, sans en changer l’emplacement. On y enlève deux cadres. Les deux corps de couvain avec leurs abeilles sont placées sur un plancher de ruche derrière ou à côté du starter avec un trou de vol en sens contraire. Une grille à reine et un corps vide sont placés sur la hausse à miel, qui sert de starter. Les nourrices qui se trouvent sur 10 cadres de couvain ouvert sont balayées dans la hausse vide.
Si la reine se trouve sur un des cadres balayés, elle est facilement repérée sur la grille; elle est alors réintroduite dans le corps de couvain. Le starter se compose donc des abeilles se trouvant dans la hausse à miel, des butineuses qui rentrent, le tout renforcé par les nourrices balayées de 10 cadres de couvain ouvert. Il est très important que les abeilles se sentent très à l’étroit. Après 1 à 2 heures d’orphelinage, deux cadres portant 48 cellules sont introduits dans l’espace laissé libre auparavant.
Fig. 4. Description de la création d’un starter : la hausse débarrassée de deux cadres est placée à l’endroit de la colonie de départ dont la nouvelle ouverture est dirigée diamétralement par rapport à celle du starter. Dans une rehausse sur grille à reine, il reçoit les nourrices de 8 à 10 cadres. Schéma Jos Guth. |
Fig. 5. Starter débordant de nourrices. Photo Jos Guth. |
L’acceptation tombe rarement en dessous de 45 cellules. Si l’acceptation laisse à désirer, il faut changer de colonie, car une bonne « motivation » pour l’élevage ne peut pas être obtenue « par la force ». 24 heures plus tard, les cellules sont échangées contre une deuxième série. Après deux élevages, l’ancienne colonie est reformée. Un nombre aussi élevé de cellules à amorcer se justifie par le fait que les jeunes larves ne consomment que très peu de gelée royale au cours de leur premier jour de vie.
Fig. 6. Larves acceptées âgées de 24 heures nageant sur une gelée royale abondante. Photo Jos Guth. |
Un transfert de 24 cellules dans une colonie non orphelinée, au-dessus de la grille à reine, entre deux cadres à couvain ouvert donne les meilleures reines. On ne doit pas dépasser 24 cellules si on veut obtenir que les reines de bonne qualité expriment tout leur potentiel génétique. Les finisseurs choisis pour l’élevage servent pendant toute la saison. Le cadre avec les cellules amorcées est toujours placé au même endroit; ainsi, on arrive à dresser les colonies à produire de la gelée royale et à soigner les cellules royales. Dès que les cellules operculées sont enlevées du finisseur, elles doivent tout de suite être remplacées par de nouvelles cellules amorcées. Les cadres à couvain sont renouvelés toutes les semaines par du couvain prélevé dans d’autres colonies. Ce renforcement augmente la disponibilité à l’élevage. Auparavant je prélevais les cadres à couvain en dessous de la grille à reine du finisseur. Mais cette intervention dérange l’harmonie de la colonie et la structure du nid à couvain, ceci au détriment des cellules royales à soigner.
Fig. 7. Résultat d’un élevage correctement mené. Photo Jos Guth. |
Un contrôle des cellules naturelles d’essaimage doit être fait chaque semaine, surtout sur les cadres se trouvant près des cellules royales introduites. Par mauvais temps, un nourrissement est effectué quotidiennement.
Une forte infestation des colonies par le varroa peut avoir pour conséquence une mauvaise prise en charge des cellules royales. Il faut éviter aussi d’introduire les cellules amorcées dans un finisseur ne contenant pas de couvain ouvert, car les acariens pénètrent alors dans les cellules royales avant l’operculation et entraînent la formation de reines estropiées. En présence de couvain d’ouvrières et de mâles, les cellules royales ne sont que rarement infestées.
Dans notre rucher, après le sixième jour du picking, les cellules operculées sont placées dans une couveuse à 35°C (intervalle: de 34,6 à 35,0°C). À cet âge, les cellules sont très sensibles: le moindre choc leur est fatal.
Fig. 8. Couveuse avec ventilateur, à 35°C, humidité min. 70 %, capacité de 300 cellules dans leurs cages rondes Nicot. Photo Jos Guth. |
Une couveuse doit garder une température très constante et doit disposer d’un ventilateur et de cuvettes remplies d’eau afin de maintenir un degré d’humidité élevé (min. 70 %). Nos étuves peuvent contenir 300 cellules. Un groupe électrogène permet d’assurer un chauffage de secours en cas de panne de courant. La conservation des cellules operculées dans la couveuse ne diminue absolument pas la qualité des reines. Les cellules operculées n’ont en effet besoin que d’une température constante dans une atmosphère relativement humide.
Les avantages d’une couveuse sont les suivants :
À côté des ruchettes de fécondation contenant 6 cadres à la mesure de celles du rucher, nous utilisons à la station de fécondation, des ruchettes en polystyrène expansé ayant un plancher, un corps de ruche et un couvercle qui s’emboîte.
Le polystyrène de haute densité (100 g par litre) n’est pas grignoté par les abeilles ; il protège les petites unités du froid et de la chaleur. Surtout, la consommation est très réduite et les abeilles restent en bonne santé. Même en plein soleil, elles ne fuient pas la ruchette en polystyrène comme c’est souvent le cas des ruchettes en bois. La peinture extérieure est de qualité murale acrylique. Plancher grillagé sur 2/3 de la surface. Pour économiser la nourriture sous les climats plus frais, une plaque peut être placée sur la grille. Un récipient pour candi ou sucre liquide est incorporé à la ruchette. Le trou d’envol se trouve sous la ruchette ; il est ainsi protégé des intempéries et permet d’éviter le pillage.
Il peut contenir 6 cadrons (demi-cadre de hausse Dadant), mais également, par superposition de deux corps, 6 demi-cadres de corps DB.
Pour faciliter le travail, les ruchettes sont placées par quatre sur des supports à hauteur de travail, les trous de vol étant dirigés vers les quatre directions. À la fin de la saison d’élevage, les cadres des ruchettes destinées à passer l’hiver sont regroupés dans trois corps avec une reine, le couvain est réparti dans les deux unités du bas.
Les colonies étant abondamment nourries, leur hivernage ne pose pas de problème si on prend la précaution d’échanger le couvercle supérieur par une plaque d’isolation bitumée permettant l’évacuation de l’humidité. Une protection par un sac-poubelle en plastique empêche les détériorations par le pivert pendant l’hiver. Ce sac est simplement glissé sur les ruchettes mais doit rester ouvert en bas sans quoi il y aura formation d’eau de condensation à l’intérieur des ruchettes superposées. Il a été constaté que les oiseaux évitent de visiter les ruchettes si l¹on utilise des sacs de couleur bleue.
Grâce aux cadres normalisés (standard), le rassemblement des cadrons peut se faire en fin d’élevage dans des hausses Dadant avec une reine. Ils serviront au printemps suivant pour renforcer des ruchettes.
Début avril, les ruchettes sont surpeuplées par de jeunes abeilles. Chaque semaine, nous intercalons un ou deux corps avec 6 cadrons dans les corps contenant le nid à couvain. La reine s’empresse de garnir les nouveaux cadres de sa ponte : une nouvelle unité est ainsi formée. Même les baisses de température n’entravent pas le développement grâce à l’isolation exceptionnelle. À condition de bien nourrir, des tours comprenant jusqu’à huit corps bourrés d’abeilles et de couvain sont disponibles au début du mois de mai.
Fig. 9. Ruchettes de fécondations Mini-Plus en plein développement printannier. Photo Jos Guth. |
Fig. 10. Vue partielle de la station de fécondation. Photo Jos Guth. |
Lorsque les cellules royales sont prêtes à éclore, nous répartissons les cadrons et nous obtenons par ruchette hivernée entre 14 et 16 ruchettes peuplées, sans avoir besoin de les renforcer avec des abeilles en provenance de colonies de production, ce qui est important, car les abeilles sont rares et indispensables en début de saison. Trois cadres de couvain avec abeilles et provisions sont placés dans un nouveau corps. À côté se trouve un cadre garni de cire gaufrée. La cellule royale introduite avec protège-cellule est placée entre deux cadres de couvain. Nourries au candi, les ruchettes, le grillage du plancher étant ouvert, sont isolées pendant trois jours dans un local sombre avant d’être transportées à la station de fécondation. L’isolement est nécessaire pour permettre l’union de la petite colonie et la reconstitution de la grappe. Par la suite, lors du retrait de la reine fécondée, une nouvelle cellule protégée est immédiatement introduite. L’acceptation est très bonne, même en présence de couvain ouvert, à condition que la nouvelle reine soit de bonne constitution. Le lendemain de l’éclosion, elle est marquée. Il est facile de repérer la jeune reine, car à cet âge elle se déplace lentement sur les cadrons. Si la reine s’avère être de constitution anormale, on la remplace par une cellule royale.
Fig. 11. Contrôle de l’éclosion de la reine. La cellule royale est munie d’un protège-cellule. Photo Jos Guth. |
Quatre cadrons par unité suffisent à maintenir une bonne population, ce qui simplifie la recherche de la reine. Pendant les années de miellée normale, les ruchettes s’approvisionnent elles-mêmes en nourriture, autrement le nourrissement (à l’arrosoir, ce qui est rapide) au sucre dissous dans les proportions de 2 : 3 est nécessaire. Une planchette dans le récipient du plancher évite que les abeilles ne se noient. La prudence est de mise pour ne pas provoquer le pillage par déversement de sirop sucré au cours du nourrissement.
Le cinquième jour après l’éclosion et si le temps le permet (au moins 20°C), la reine peut faire son vol de fécondation. Elle s’accouple avec 8 à 10 mâles au moins.
La bonne harmonie entre la reine et les abeilles de la ruchette est importante, car au moment du retour de la reine, la température de la ruchette, même en l’absence de couvain, est montée à 35°C. La reine doit faire migrer le sperme dans sa spermathèque à travers un fin canal et ceci dans les 24 heures qui suivent. La chaleur soutient l’action musculaire de la reine et aide vraisemblablement à la dilatation du canal conduisant vers la spermathèque. Une ruchette bien isolée, à plusieurs cadrons bien garnis d’abeilles, favorise le remplissage correct de la spermathèque de la reine, surtout dans les régions à climat plus froid.
Environ deux à trois jours après la fécondation, la reine commence à pondre. Ce n’est pas encore le moment pour la retirer afin de l’introduire dans une plus grande unité ou de la remettre à un autre apiculteur. Comme elle n’est pas encore pleinement mature, elle ne serait que difficilement acceptée. Un minimum de dix jours, après le début de la ponte, est nécessaire au développement des ovaires et à une sécrétion phéromonale suffisante pour garantir une introduction. La reine n’acquiert sa maturité complète qu’après deux mois environ.
Pendant la période d’élevage, du 10 mai au 30 juillet, en général quatre reines sont fécondées par ruchette. Environ cinq pour cent des ruchettes posent des problèmes et il n’en sortira qu’une reine fécondée. Les ruchettes qui continuent à faire des difficultés, doivent être entièrement réformées. Le seul remède efficace consiste à leur donner un nouvel emplacement après les avoir reformées.
Il arrive que la reine soit attaquée par les abeilles de sa propre ruchette au moment de son retour du vol de fécondation. Souvent elle survit à l’emballement, mais reste physiquement endommagée. Les tarses des pattes sont arrachés, une jambe est paralysée ou les ailes sont déchiquetées ... Une reine estropiée doit être éliminée, car elle ne sera pas en mesure de constituer une colonie à production maximale.
Un client est bien conseillé de ne pas accepter une telle reine, car en général elle porte aussi des blessures internes dues aux piqûres des ouvrières.
Dans le cas d’une introduction de reine non fécondée, les abeilles sont mouillées avec un pulvérisateur. Lors du remplissage des ruchettes, on fait tomber la reine directement sur les abeilles humides.
Avantages :
Fig. 12. Fausse cellule royale d'introduction de reines vierges (Système Kemp, fabrication Nicot). Photo Jos Guth. |
Remarque: Si la reine n’a pas été acceptée ou s’est perdue lors du vol de fécondation, il arrive qu’il n’y ait plus de couvain dans la Mini-Plus. Dans ce cas, la cellule royale d’introduction de reines système Kemp avec une reine vierge marquée, donne de bons résultats. La nouvelle reine découpe la cupule de fermeture en cire avec ses mandibules. Poussée par la faim, elle sort la langue à travers la fente en mendiant de la nourriture. Cette deuxième éclosion se passe dans un climat de détente et l’acceptation est excellente, même dans les cas les plus critiques. Ce procédé ne se recommande pas en présence de couvain ouvert.
Lors de l’acquisition d’une reine de valeur, je retire d’une forte colonie 2 à 3 cadres de couvain operculé avec les abeilles qui les garnissent. Placés dans une nouvelle ruche avec un cadre à provisions de chaque côté, je renforce cette nouvelle unité en brossant les jeunes abeilles de 3 à 4 cadres de couvain. Par précaution, la reine de la forte colonie a été recherchée et les cadres à couvain retirés sont minutieusement inspectés pour s’assurer qu’ils ne portent pas de cellule royale, ni de reine provenant d’une supersédure. En cas de doute et pour plus de sécurité, il est préférable de placer d’abord les cadres à couvain sans abeilles dans la nouvelle ruche. Les jeunes abeilles sont tamisées au travers d’une grille à reine placée sur la ruche, une hausse vide étant placée au-dessus. Une reine vierge éventuellement présente est ainsi facilement détectée.
La nouvelle reine encagée avec ses abeilles d’accompagnement (celles-ci peuvent être échangées prudemment par de jeunes abeilles de la nouvelle ruche) est intercalée entre les cadres à couvain en prenant la précaution de laisser un vide suffisant pour la prise de contact. La fermeture du réservoir à candi est aussitôt retirée. La ruche reste au même rucher pour que les abeilles âgées puissent retourner dans leur ancienne ruche. Ce sont elles surtout qui présentent un danger pour la reine introduite. Après deux heures, la ruche avec la nouvelle reine est déplacée d’au moins 20 mètres pour éviter le pillage par les abeilles retournées à la ruche d’origine.
Il ne faut surtout pas de nourrissement avant que la nouvelle unité n’ait ses propres butineuses et gardiennes. Dix jours plus tard, le contrôle d’acceptation est effectué. Si un renforcement s’avère nécessaire, on doit le faire à l’aide d’un cadre de couvain prêt à éclore débarrassé de toutes ses abeilles.
Faire accepter en toute saison une nouvelle reine dans une forte ruche de production est une affaire délicate et coûte la vie à bon nombre de reines. Il n’existe pas de procédé garantissant le succès. Des apiculteurs avisés utilisent un grillage en fil de fer à fines mailles qu’ils fixent sur un cadre. La reine emprisonnée est libérée soit par les abeilles qui grignotent un passage ou bien par l’apiculteur après quelques jours d’accoutumance.
Or, un nouveau modèle a été mis au point qui présente des améliorations par rapport aux systèmes existants.
Son mode d’emploi :
Fig. 13. La cage d'introduction (Nicot) sur du couvain naissant. Photo Jos Guth. |
La méthode décrite ci-dessus est la plus naturelle possible et supérieure à celle qui consiste à introduire la reine enfermée dans une petite cage de transport.
L'élevage des faux-bourdons est un facteur souvent sous-estimé. Les mâles doivent bénéficier des mêmes soins que les reines à élever. Si pendant leur production, les colonies s'affaiblissent, les larves seront mal nourries et les mâles resteront bien chétifs et même stériles. Ceci se remarque particulièrement bien lors de la récolte du sperme pour l'insémination artificielle.
En automne, nous plaçons des cadres avec des cellules de mâles dans les colonies dont la lignée a été choisie pour la production des faux-bourdons.
24 jours s'écoulent de la ponte à l'éclosion, puis 12 à 15 jours sont nécessaires pour le développement de la maturité. Ce délai doit être pris en compte, car il ne sert à rien de débuter trop tôt l'élevage des reines si les mâles ne sont pas disponibles pour la fécondation. Par mauvais temps, le nourrissement est indispensable, surtout en fin de saison. Quand les mâles font défaut, on arrête l'élevage. Juste avant l'expulsion des faux-bourdons, nous retirons les cadres de mâles des colonies de certaines lignées. Accompagnés de deux cadres de couvain garnis de leurs abeilles, ils sont placés dans des ruches près de la station de fécondation. Neuf jours plus tard, les cellules royales sont détruites. Faute de ne plus pouvoir produire une reine, les ouvrières gardent ainsi pendant environ 4 semaines des mâles bien soignés. On arrive ainsi à allonger la période de fécondation. Dans ces colonies à mâles, la nourriture ouverte, si possible dans des cellules de mâles, doit être continuellement disponible.
On constate que les colonies gardent les mâles plus longtemps si l'apport en pollen est important. L'ensemencement d'une parcelle de quelques ares, avec de la moutarde jaune ou d'autres plantes qui sont de bons fournisseurs de pollen (phacélie, bourrache, mélilot) avant la période du massacre des mâles donne d'excellents résultats.
Lors du choix des lignées, il importe surtout d'éviter toute consanguinité entre les mâles et les reines. La combinaison des lignées côté mâle et côté femelle est d'autre part décisive pour le comportement et la qualité des descendants. Plus de 60 colonies de mâles de même lignée dominent les alentours de ma station de fécondation, ceci afin de garantir une présence abondante et par conséquent des fécondations suffisamment pures. L'effet est encore renforcé par les mâles de mes collègues des environs proches qui élèvent la même race.
Il va sans dire que surtout en élevage il importe de limiter strictement, par un traitement adéquat l'infestation par le varroa.
Les cellules de mâles sont 8,6 % fois plus parasitées que les cellules d'ouvrières (Schultz 1984). Une étude du Dr Petra Schneider (1987) sur l'influence du varroa pendant le stade nymphal montre que les ravages dévastateurs sont les plus importants chez les mâles.
Elle a étudié l'action du varroa, de son nombre par cellule pendant le stade nymphal, sur la durée de séjour des mâles dans la colonie et sur le nombre de spermatozoïdes. Trois populations sont envisagées : P0 = colonies témoin sans varroa; P1 colonies où on trouve de 1 à 3 varroas par cellule de mâle et P2 où on trouve plus de 3 varroas par cellule.
Les glandes hypopharyngiennes des ouvrières ne se développent dans le groupe P1 qu'à 86 % et dans le groupe P2 qu'à 68 %. La qualité et la quantité des substances protéiques et lipidiques diminuent nettement. Le nourrissement des larves d'ouvrières et de mâles n'est que médiocrement assuré.
La reproduction est le point culminant de l’évolution de la colonie. Lorsque la ruche est fortement peuplée, que les apports en pollen et en nectar sont abondants et que les hausses sont pleines, les colonies poussent à l’essaimage. Même les colonies les moins essaimeuses peuvent demander une intervention au cours de la phase printanière. Dans le cas le plus favorable — présence de colonies faciles à conduire — la reine continue de pondre en présence de cellules royales. Il suffit alors d’éliminer les cellules royales et de répéter cette intervention 7 jours plus tard. La fièvre est alors surmontée, à condition de ne pas avoir oublié une seule cellule. S’il y a essaimage malgré tout, la reine clippée (couper la moitié d’une seule aile antérieure) n’arrive plus à voler en ligne droite et tombe à terre après une envolée de quelques mètres. L’essaim retourne à la ruche d’origine et seule la perte d’une reine est constatée à la visite suivante.
Tout encagement est néfaste pour les reines et devra se limiter au strict minimum nécessaire.
Dans certains cas, la mise en cage est inévitable, notamment lors de l’envoi et de l’introduction. Les cages plates d’expédition et d’introduction sont les plus appréciées par les grands éleveurs en Europe. La matière plastique empêche le dessèchement du candi. Le volume du réservoir à candi a été bien étudié et convient même pour un séjour de plus de 3 jours. L’utilisation d’Api-poudre avec du miel liquide donne d’excellents résultats. Il doit être pétri très sec et être enfermé dans un récipient bien étanche durant 3 semaines avant l’emploi. L’utilisation d’eau au lieu du miel rend le candi très dur et donc inutilisable.
Les jeunes abeilles accompagnatrices sont introduites en plaçant la cage avec sa glissière ouverte sur les abeilles se trouvant sur un rayon à couvain ouvert. En fermant la glissière, on essaye d’encager plus ou moins huit abeilles. Par la suite, la reine marquée est introduite dans la cage par une ouverture de la glissière.
Les reines craignent la lumière du jour, mais surtout l’exposition en plein soleil. Pour cette raison, les nouvelles cages sont réalisées en matière plastique jaune, filtrant la lumière. Après leur encagement, les reines sont immédiatement placées dans une boîte sombre. Les envois au cours de l’été à des températures supérieures à 30°C posent des problèmes de déshydratation. La pose d’une couche de mousse épaisse de 5 mm, bien humidifiée, sous le couvercle des boîtes d’expédition, celles-ci devant être bien aérées par le fond et les côtés, fait éviter les dommages et les pertes. Le système Colissimo proposé par la Poste garantit une réception rapide.
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par le Syndicat National d'Apiculture, Paris, 1990. épuisé. |
par Jos Guth LU-5460 Trintange Luxembourg |