La descendance du côté reine-mère, est obtenue sans problème, en élevant à partir de jeunes larves ouvrières d’une reine à bon rendement et aux aptitudes consolidées. Suite à l’accouplement naturel, les filles de cette reine sont des demi-sœurs d’au moins 8 à 10 pères différents provenant d’un rayon pouvant dépasser 10 km. Lors du transfert des larves, aucun moyen de reconnaissance de l’origine. paternelle du patrimoine génétique de ces larves ne nous est donné. Dans la nature, ces jeunes reines sont à leur tour fécondées par au moins 8 à 10 mâles différents. De ce point de vue, il est bien difficile de sélectionner sérieusement, au contraire de ce qui est possible chez les autres animaux domestiques! Chez le bétail, par exemple, l’arbre généalogique côté vache et côté taureau est connu.
L’abeille présente néanmoins un avantage: nous avons à notre disposition un très grand nombre de larves d’ouvrières pour l’élevage, permettant ainsi de remplacer toutes les reines d’un rucher en une saison s’il le faut.
À revoir en fonction de la colonie : ... C’est la reine qui a la plus grande importance dans la composition du patrimoine héréditaire de ses descendants. 62 % des ancêtres d’une ouvrière ou d’une reine sont d’origine féminine, seulement 38 % sont d’origine masculine. Il existe, d’autre part, une hérédité via le cytoplasme cellulaire (dans les mitochondries), c’est-à-dire que non seulement les informations génétiques passent par les chromosomes, mais une partie des messages transite également via le cytoplasme de l’ovule [Die Biene 7/1987].
Si nous décelons une bonne reine, elle peut dans les meilleurs cas nous servir pendant 3 années comme reine-mère. Ensuite, elle disparaît avec toutes ses aptitudes. Rarement les reines filles sont d’égale valeur.
Grâce à l’accouplement multiple, la nature a mis un verrou à la consanguinité. Cependant, l’éleveur désirant reproduire une abeille répondant à des critères déterminés de productivité, de douceur, de résistance aux maladies, de facilité de conduite du rucher et de bon hivernage, doit utiliser un moyen garantissant l’accouplement des reines avec des mâles déterminés.
Fig. 14. Station de fécondation sur l’île de Sein (FR). Photo Jos Guth. |
L’homme a maintenant des possibilités d’intervenir dans la fécondation; la nature est déjouée. Pendant des millénaires, la sélection naturelle a agi et seules les colonies les plus fortes ont survécu. La loi de la nature n’était jamais orientée vers un maximum de productivité ou vers la douceur que souhaite chaque apiculteur.
Un programme d’élevage et de sélection doit être établi sur un grand nombre d’individus. Les éléments ne donnant pas satisfaction doivent être éliminés aussitôt. Logés dans de petits volumes, ceux-ci sont plus facilement repérés.
Fig. 14. Vue partielle de la station de fécondation de Paul Jungels (LU). Photo Jos Guth. |
Le Frère Adam nous a montré depuis bientôt 100 ans la voie dans ce domaine.
Quelque 400 unités, groupées par 4, dans un seul corps de ruche sont présélectionnées et doivent passer un hiver dans l’isolement de la station de fécondation. Les meilleures reines sont introduites au printemps dans les colonies de production. Cette méthode évite des pertes considérables en miel et on progresse plus rapidement dans la sélection. Entre 50 et 60 % des reines sont écartées au cours d’un travail de sélection sérieux.
Mon ami Paul Jungels (Luxembourg), travaille de la même manière : 240 petites unités avec en majeure partie des reines inséminées, et logées dans 60 corps. Ces petites colonies doivent être situées sur des emplacements répondant aux mêmes conditions de climat et de flore.
Suite au climat rude, chez Paul, en Ardenne luxembourgeoise, il utilise 5 cadrons au lieu de 4, comme chez le Frère Adam.
Ces petites unités hivernent sans problèmes. Le développement printanier est spectaculaire et demande le retrait d’énormes paquets d’abeilles pour éviter la surpopulation. Ce surplus en abeilles sert au renforcement de colonies de production défaillantes et à la préparation des colonies d’élevage.
Critères décisifs pour qu’une reine soit retenue pour l’introduction dans les colonies de production :
En ce moment, plus de 180 reines fécondées artificiellement sont en production.
A trois, à savoir le professionnel allemand Berthold Nengel, Paul Jungels de Brandenbourg et moi-même, nous travaillons ensemble avec quelque 800 colonies pour la sélection.
Paul est le plus méritant. Il a un don d’observation exceptionnel et maîtrise parfaitement l’insémination. Le taux de réussite de l’insémination est supérieur à 95 %. Les reines vivent au moins 3 ans.
Nous recevions également du Frère Adam des œufs âgés de 2 jours et du sperme de ses meilleures souches.
Le travail de sélection est sans fin car les lignées doivent être continuellement retravaillées. On ne peut pas dire un jour : « Je suis satisfait de ce que j’ai ». Deux à trois ans plus tard, tout serait à refaire.