Après traversée de Harwich à Hoek van Holland la nuit du 26 au 27 mars, j’empruntai de l’« Autobahn » depuis La Haye jusqu’en Allemagne méridionale pour, de là, par Lyon, Narbonne, Barcelone et la côte méditerranéenne gagner Gibraltar où j’attendis le Dr R.H. BARNES, mon compagnon de route bénévole au Maroc. Peu après minuit, j’entendis arriver son avion et nous nous retrouvâmes le lendemain matin au petit déjeuner. Quelques heures plus tard, nous étions en route pour Tanger.
En 1962, j’avais eu la ferme intention de visiter le Maroc, mais des difficultés diverses m’avaient empêché de pousser à l’ouest, dans le pays voisin. A posteriori, je me rends compte que cette remise était tombée fort à propos, car je n’aurais jamais pu faire mon travail à ma satisfaction dans les conditions qui régnaient à ce moment. Je ne portais guère d’intérêt à l’abeille indigène noire du Maroc, me rendant compte qu’elle ne pouvait différer matériellement de l’abeille indigène d’Algérie, A. mellifera intermissa. L’objet de ma visite au Maroc était avant tout d’obtenir une connaissance plus précise de l’abeille saharienne de son habitat. Sous ce rapport, M. Paul HACCOUR, de Sidi-Yahia du Gharb, que j’avais rencontré aux Congrès de Rome et de Madrid, me fut d’une utilité extrême. M. HACCOUR (voir son article sur l’abeille saharienne : http://fundp.ac.be/~jvandyck/homage/artcl/haccour61.html), qui possède quelque 2000 colonies, est des plus fins commerçants en apiculture que j’aie eu le plaisir de rencontrer. En outre, il parle arabe et a toute une vie d’expérience dans les rapports avec la population indigène.
Si bien que notre première visite fut pour sa maison, une villa à quelque distance de Sidi-Yahia, ombragée d’eucalyptus, de mimosa, citronniers et de maintes autres espèces d’essences subtropicales. L’air était tout embaumé de l’odeur forte de la fleur d’oranger, en particulier tôt le matin avant que le soleil n’ait dissipé la forte humidité. A midi, le thermomètre marquait 32°C. Nous arrivions à la saison où la campagne se pare de sa flore la plus riche. Et des pluies exceptionnellement abondantes au cours des mois précédents avaient rendu la flore d’une luxuriance inusitée. Après deux jours dans ce paysage merveilleux, passés visiter quelques apiculteurs dans le voisinage, nous partions pour le désert en compagnie de M. et de Mme HACCOUR.
Notre route nous conduisit par delà l’Atlas septentrional, via le col du Zad. Ici, à quelque 2000 mètres, nous rejoignions des conditions hivernales et la neige nous entourait de partout: on nous dit en effet qu’une semaine plus tôt, nous n’aurions pas pu passer le col en voiture. Nous passâmes la nuit à Midelt, petit village des collines orientales de l’Atlas.
Au matin, tandis que nous approchions de la lisière du Sahara, le caractère de la végétation changeait et des palmiers-dattiers faisaient leur apparition par-ci par-là. Au lieu de la roche nue et de la pierraille, se dessinaient des dunes de sable. Bien avant midi, nous touchions le Tafilalet, un groupe d’oasis que M. HACCOUR considère comme le berceau de l’A. mellifera sahariensis.