publié en français
par Payot, Paris, 1951. épuisé. |
par le Docteur Maurice MATHIS de l'Institut Pasteur de Tunis |
La ruche « en livre » ou « en feuillets » a été conçue, réalisée et expérimentée par François Huber au cours de ses recherches sur les abeilles. Cette ruche, qui est l’ancêtre de toutes les ruches modernes, a permis à son inventeur de faire les observations les plus originales qui aient été réalisées jusqu’à ce jour sur les abeilles. Cette ruche, qui a déjà donné tant de résultats aussi remarquables entre les mains de son inventeur, n’a pas fini sa carrière en dépit de l’abandon dans lequel elle est tombée au cours de ces dernières années, abandon dû probablement à sa mauvaise utilisation. L’étude de cette ruche, base de toute l’apiculture théorique et pratique, fera l’objet de ce chapitre.
Pour être exact, nous devons dire que Réaumur avait déjà eu l’idée d’une ruche extra plate, ne comportant qu’un seul gâteau de cire entre deux vitres ; mais cette réalisation du grand biologiste n’enlève aucun mérite à l’œuvre de François Huber. Sa ruche dépasse et par sa conception et par son utilisation tout ce que Réaumur avait imaginé.
Le principe de la ruche François Huber (ruche F.H.) est basé sur une observation nouvelle de son auteur, observation qui avait échappé à ses prédécesseurs. Ce savant remarque en effet pour la première fois [« ... Ceci me conduit à une observation que je crois nouvelle : en nous faisant admirer le parallélisme que ces mouches suivent constamment dans la construction de leurs gâteaux, les naturalistes n’ont pas fait attention à un trait de leur industrie ; à l’égale distance que les abeilles mettent toujours entre ces gâteaux. Mesurez l’intervalle qui les sépare, et vous le trouverez pour l’ordinaire de quatre lignes (9 mm). On sent bien que s’ils eussent été trop éloignés les uns des autres, les abeilles auraient été fort dispersées, elles n’auraient pas pu se communiquer réciproquement leur chaleur et le couvain n’aurait pas été suffisamment échauffé. Si au contraire les gâteaux eussent été trop rapprochés, les abeilles n’auraient pas pu cheminer librement entre eux, et le service de la ruche en eût souffert. Il fallait donc qu’ils fussent séparés par une certaine distance, toujours la même ... »] que non seulement les abeilles construisent des gâteaux de cire aux cellules hexagonales parfaites, perfection qui a fait l’objet de nombreuses recherches géométriques et mathématiques, mais que la disposition des gâteaux est soumise à une loi. Cette loi est celle de l’écartement des gâteaux entre eux. Ils sont en effet disposés parallèlement les uns aux autres, et la distance de centre à centre de chacun d’eux est à peu près exactement de 36 à 38 mm. François Huber imagine donc une ruche composée de châssis ou cadres à l’intérieur de chacun desquels les abeilles construisent un rayon et un seul rayon. Pour amorcer le travail des abeilles et les faire continuer dans le plan du cadre, l’auteur imagine de fixer un petit gâteau comme amorce. Il suffit actuellement avec la découverte de la cire gaufrée, d’en prendre une petite lame pour remplacer le gâteau primitif.
François Huber fait donc construire un châssis ou cadre en bois sec ayant environ un pied carré (le pied vaut 324 mm) un peu plus haut que large. La hauteur et la largeur du châssis peuvent varier, l’épaisseur, par contre, qui est de 35 à 38 mm, doit être rigoureusement fixe. Les deux extrémités sont fermées par des cadres vitrés. La ruche F. H. est indéfiniment extensible par l’adjonction de nouveaux cadres, tout en restant continuellement et rigoureusement proportionnée à la population de la colonie qui y est logée.
Chaque cadre porte en outre, à quelques centimètres de sa base, une petite ouverture circulaire de 1 cm de diamètre; cette ouverture détermine l’orientation de la ruche. Nous pouvons parler d’une paroi antérieure, droite, et gauche ; chaque cadre étant numéroté, chaque face des gâteaux de cire est définie d’une manière parfaite. La surface des trous de vol est toujours proportionnée au nombre des abeilles. En remplaçant une paroi vitrée par une paroi grillagée et en obturant les trous de vol par des bouchons, on pourra retenir les abeilles prisonnières sans risque d’asphyxie pendant plusieurs jours; on pourra de cette façon déplacer la ruche à de grandes distances avec la plus grande facilité.
La ruche F.H. décrite, voyons son utilisation pratique dans les différentes opérations apicoles du rucher.
Rien n’est plus aisé que d’établir un nouvel essaim dans une ruche F.H. On réunit 4 ou 5 cadres selon la force de l’essaim, en ayant soin de placer, au centre, un cadre de couvain sans les abeilles, prélevé dans une autre colonie. Les abeilles très attirées par le couvain s’y porteront en masse et la reine ne tardera pas à rejoindre le gros de la troupe. Lorsque les abeilles seront bien groupées, en une masse compacte, on ajoutera ou on enlèvera les cadres en moins ou en plus, de telle façon que le volume total de la ruche soit exactement proportionné au nombre des abeilles de l’essaim. Il est en effet très difficile en dehors de la pesée que l’on ne peut pas toujours pratiquer, d’apprécier exactement la population d’un essaim, la ruche F.H. vous en dispense.
En période favorable, l’essaim peut « doubler » de volume en un mois et « quadrupler » en deux mois. Au moment des premiers froids, l’essaim doit occuper de 10 à 12 cadres pour être capable de passer l’hiver dans des conditions satisfaisantes.
L’un des avantages de la ruche F.H., souligné du reste par son inventeur est celui de pouvoir multiplier les abeilles à volonté [François HUBER dans le second tome de ses Nouvelles observations sur les abeilles nous a laissé de très nombreuses observations sur la conduite économique des abeilles, mais beaucoup de ses notes n’ont pas été publiées. Ses héritiers pourraient-ils les communiquer, s’ils les possèdent encore ? Ce serait un grand service à rendre à l’apiculture]. Au printemps, en effet, au moment de la plus belle période florale, lorsqu’une ruche compte de 16 à 20 cadres, il est très facile d’obtenir deux colonies de la manière suivante.
On divise la ruche en deux parties; une moitié augmentée d’un ou deux cadres est laissée sur place; l’autre également augmentée d’un ou deux cadres est fermée par une paroi grillagée et ses trous de vol obturés par des bouchons, elle est ensuite transportée dans un local obscur et frais.
Que va-t-il se passer ? Jusqu’à présent, nous n’avons pas parlé de la reine ; mais comme il n’y en a qu’une, elle se trouve nécessairement dans l’une des deux moitiés. Le lendemain ou le surlendemain de l’opération de scindage, on examine les cadres de la moitié de la colonie demeurée à l’emplacement de la souche. Si les abeilles ont élevé des cellules royales, la reine est dans l’autre moitié. Celle-ci sera transportée dans un autre emplacement et les abeilles libérées ; nous aurons réalisé une espèce d’essaimage avec un certain nombre de rayons.
Si les abeilles n’ont pas ébauché de cellules royales c’est que la reine se trouve dans cette moitié laissée sur place ; on la portera à un autre emplacement et la moitié sans la reine prendra sa place.
Cette multiplication des abeilles correspond à celle des habitants de Favignana, mais considérablement améliorée.
Lorsqu’on dispose d’un certain nombre de reines, on peut diviser une ruche F.H. en portion de 5 à 6 cadres, chaque portion recevra une reine, sauf celle qui possède la reine régnante. La seule précaution qu’il faille prendre c’est de ne pas constituer des colonies trop faibles qui seraient alors vouées à la mort n’étant pas capables de se défendre.
Tous les apiculteurs considèrent que l’essaimage naturel est un ennui considérable dans leur travail. La surveillance des essaims et leur capture sont des tâches assujettissantes, et bien souvent des essaims s’échappent et sont irrémédiablement perdus pour leur propriétaire. Il est souvent difficile de surveiller en même temps l’essaimage de plusieurs ruchers situés a plusieurs kilomètres les uns des autres, comme c’est la règle dans les grandes exploitations apicoles. Après ce que nous venons de dire sur la multiplication des abeilles avec la ruche F.H., on aperçoit tout de suite que l’essaimage naturel tombe sous le contrôle de l’apiculteur : deux procédés peuvent être mis en œuvre, augmentation de volume des ruches par adjonction de nouveaux cadres, division des colonies les plus populeuses.
A la fin de la saison mellifère, la récolte consistera à enlever les cadres remplis de miel, qui sont toujours les cadres les plus extérieurs. Cette récolte se fera d’une façon rationnelle, parce que l’apiculteur saura toujours d’une façon précise les quantités de miel qu’il laisse à la colonie d’une part, et que, d’autre part, il n’apportera aucune perturbation dans la disposition du nid à couvain.
L’un des autres avantages de la ruche F. H., avantage qui sera particulièrement sensible aux apprentis apiculteurs, est la possibilité de faire de l’apiculture sans piqûres. Voici ce qu’en écrit l’auteur :
« Vous n’aurez donc jamais aucun obstacle à vaincre pour ouvrir la ruche ; vous n’aurez pas même de piqûres à craindre ; car c’est encore là une des propriétés les plus singulières et les plus précieuses de cette construction, de rendre les abeilles traitables. Je vous appelle, Monsieur (il s’agit de Ch. Bonnet), en témoignage de ce fait; j’ai ouvert en votre présence tous les cadres d’une de mes ruches les plus peuplées, et vous avez été fort surpris de la tranquillité des abeilles. Je ne veux pas d’autre preuve de mon assertion; mais j’ai dû répéter celle-là parce qu’en dernière analyse c’est de la facilité qu’ont ces ruches de se laisser ouvrir à volonté, que dépendent tous les avantages que j’en attends pour le perfectionnement de la science économique des abeilles. »
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